• Poésie, lecture, Lamartine et bien d'autres choses

    Un long et riche article de Khaz que je reproduis ci-après : 

    Bonjour !

    Connaissez-vous les Classiques Larousse ? Existent-ils encore dans les librairies actuelles ?

    Ma femme en avait un certain nombre et en prenait grand soin. Ma fille qui aime explorer ces petits et discrets trésors, a voulu me lire un passage de celui-ci, et je fus ému. 

    - Quand un des " Classiques Larousse " joue les  " Madeleines de Proust" -

     D'où vient ce petit livre ? Aucune date n'y est visible. Son prix me laisse rêveur et indécis : 1,85 (noté au crayon). Mais 1,85 quoi ? Euros, me dit ma fille, moi je pense francs, mais lesquels ?

    Laissons ce petit problème financier, pourtant intéressant, car si c'est 1,85 francs (anciens), cela veut dire ... bref : je ne comprends rien à ces problèmes et aux évolutions économiques.

      - Quand un des " Classiques Larousse " joue les  " Madeleines de Proust" -

     Même ce petit et modeste livret possède de très belles gravures tout à fait aptes à nous préparer à écouter Lamartine.

    La poésie que m'a lue ma fille fut inspirée à Lamartine par un voyage qu'il fit en Italie, entre Gènes et la Spezia, ce que nous apprend ce petit livret. 

    " C'était pendant une magnifique nuit d'été. Une lune splendide éclairait la mer. Les pins parasols, les oliviers, les châtaigniers, les rochers de la côte  obscurcissaient la terre... le vertige de la course des chevaux s'ajoutait au vertige de l'admiration pour ce sublime et mystérieux spectacle ; les parfums qui s'exhalaient des champs de fleurs, cultivées pour ces bouquets dont les Génois ont fait un art, une tapisserie végétale, achevaient de m'enivrer. Ce fut une ivresse de la terre, de la mer et de la nuit,  une fièvre d'enthousiasme pour ce beau pays.... quelques mois après... je me souvins de cette nuit sur la Corniche et j'essayai de la reproduire ici. " 

    Ces commentaires sont de Lamartine lui-même pour présenter sa poésie qu'il a appelée : " Poésie ou paysage dans le Golfe de Gênes ".

    Il en parle à nouveau à une autre occasion, toujours ému par ce voyage : " ... ce sont des descriptions splendides de ces beaux lieux par lesquels mon âme finit par s'élever à Dieu. " 

    Je ne vais pas vous reproduire ici cette poésie, que je trouve un peu longue, mais seulement 4 de ses vers (à la page 27) que voici : 

    La lune est dans le ciel, et le ciel est sans voiles :

    Comme un phare avancé sur un rivage obscur,

    Elle éclaire de loin la route des étoiles

    Et leur sillage blanc dans l'océan d'azur. 

    Ces quatre vers, à eux seuls, m'ont fait une profonde impression. Où m'ont-ils emporté ? Sur les routes du Golfe de Gênes, en cette magnifique nuit ? 

    - Quand un des " Classiques Larousse " joue les  " Madeleines de Proust" -

    Pas seulement. Ils m'ont emmené surtout dans mes chemins internes, chemins anciens, eux aussi chargés d'émotion, et en apparence oubliés.

    Relisant ce livret moi-même, j'ai alors découvert quelque chose. Regardez :  

    - Quand un des " Classiques Larousse " joue les  " Madeleines de Proust" -

    J'ai vu ce petit trait et mon coeur s'est serré. Qui l'a tracé au crayon de graphite  ? Ma femme peut-être,  peut-être encore bien jeune, et bien avant que je ne la rencontre... Si oui, avait-elle été émue par cette image poétique, évoquant cette vision qui avait si fort ému Lamartine ?                                                Emotion qui me gagnait à mon tour ....  

    Il n'y a pas que les madeleines pour éveiller.... l'insondable richesse du passé. Un petit Classique Larousse, ou la trace d'un crayon, peut le faire aussi. 

    Ma fille m'avait préparé aussi une autre surprise. Elle m'a demandé :

    " Te souviens-tu que tu m'avais écrit une poésie en 1984 ?

    - ma foi non,

    et que tu m'avais dessiné des bambous ?

    - pas davantage. "

    Elle m'a donc montré un carton, d'environ 20 X 16

    avec d'un côté les bambous 

    - Quand un des " Classiques Larousse " joue les  " Madeleines de Proust" -

    de l'autre la poésie. 

    - Quand un des " Classiques Larousse " joue les  " Madeleines de Proust" -

    et comme à cette époque je tentais de m'exercer à la calligraphie chinoise (dessin et calligraphie proprement dit), je m'étais confectionné un tampon en terre cuite pour imprimer ma signature reproduisant mon nom en caractère chinois.  

    Souvenirs souvenirs ... 

    Les averses, fréquentes et violentes, nous ont obligés à rentrer assez tôt dans la véranda. C'est là que je tente de multiplier mes pieds de basilic... à l'abri des limaces ! C'est là aussi où a atterri le champignon qui était si beau 48 H avant. Dès le lendemain il s'était grand ouvert, large comme une assiette,                                 

    - Quand un des " Classiques Larousse " joue les  " Madeleines de Proust" -

     et ce jour (dimanche 12 juin) il avait encore changé : il était concave vers le haut,   

    - Quand un des " Classiques Larousse " joue les  " Madeleines de Proust" -

    Il était tombé à terre, et j'en ai compris la raison : son pied était entièrement rongé par les vers. Son anneau membraneux, qui faisait plus de 2 cm de haut, s'est désagrégé dès que j'y ai touché.  Ainsi donc en moins de 48 heures, il était arrivé au terme de sa vie, non sans avoir libéré des centaines de milliers de spores de couleur brun-chocolat. Une vie encore plus courte que celle d'une rose...... 

    - Quand un des " Classiques Larousse " joue les  " Madeleines de Proust" -

     Et bien sûr nous avons lu. 

    Pour Domi ce fut le livre de notre amie FAN : " Terre où je suis née - Terre où je vis " superbement illustré par elle-même :    

    - Quand un des " Classiques Larousse " joue les  " Madeleines de Proust" -

    A un moment, à la lecture des errances de FAN à travers l'Europe, Domi a dit : " Oh quelle vie ! " 

    Lire ouvre l'appétit : je m'en fus quérir quelques fraises agrémentées de crème de coco, et pourquoi pas d'un peu de peanut butter. Mais l'appétit venant en mangeant, cette petite collation est devenue repas, repas léger et improvisé, parfait pour le soir : j'ai été chercher des asperges, pour terminer par un bol de soupe aux herbes sauvages !  

    Bref, tout à l'envers de ce qui se fait " normalement " !  

    - Quand un des " Classiques Larousse " joue les  " Madeleines de Proust" -

    C'est pas beau, la liberté ? 

    à bientôt.


  • Commentaires

    1
    Dimanche 10 Septembre 2023 à 13:06

    ... c'est un magnifique cadeau pour ce dimanche 10 septembre Dominique. Et cette poésie de Lamartine "Au paysage au golfe de Gènes" est sublime,ainsi celui de Kasimir et ses dessins, le bambou, la nuit..., de merveilles... et ainsi un merci à sa fille Domi de m'avoir lu ce jour là.

    Je vous embrasse tous, bon dimanche.

    Monika "ex Fan" smile

    2
    Niudra
    Dimanche 10 Septembre 2023 à 13:58

    Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,

    Dans la nuit éternelle emportés sans retour,

    Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges

    Jeter l’ancre un seul jour ?


    Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,

    Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,

    Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre

    Où tu la vis s’asseoir !


    Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,

    Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,

    Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes

    Sur ses pieds adorés.


    Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;

    On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,

    Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence

    Tes flots harmonieux.


    Tout à coup des accents inconnus à la terre

    Du rivage charmé frappèrent les échos ;

    Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère

    Laissa tomber ces mots :


    « Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !

    Suspendez votre cours :

    Laissez-nous savourer les rapides délices

    Des plus beaux de nos jours ! »


    « Assez de malheureux ici-bas vous implorent,

    Coulez, coulez pour eux ;

    Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;

    Oubliez les heureux. »


    « Mais je demande en vain quelques moments encore,

    Le temps m’échappe et fuit ;

    Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore

    Va dissiper la nuit. »


    « Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,

    Hâtons-nous, jouissons !

    L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;

    Il coule, et nous passons ! »


    Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,

    Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,

    S’envolent loin de nous de la même vitesse

    Que les jours de malheur ?


    Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?

    Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !

    Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,

    Ne nous les rendra plus !


    Éternité, néant, passé, sombres abîmes,

    Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?

    Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes

    Que vous nous ravissez ?


    Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !

    Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,

    Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,

    Au moins le souvenir !


    Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,

    Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,

    Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages

    Qui pendent sur tes eaux.


    Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,

    Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,

    Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface

    De ses molles clartés.


    Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,

    Que les parfums légers de ton air embaumé,

    Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,

    Tout dise : Ils ont aimé !

      • Dimanche 10 Septembre 2023 à 16:07

        Merci pour le texte

    3
    Niudra
    Dimanche 10 Septembre 2023 à 14:08

    MERCI beaucoup pour ce document, bien sûr le prix est 1,85 francs ( nouveaux francs). La collection est belle. 

    M. de Lamartine est un très grand poète, Rimbaud parfois l'imite. Le temps suspendu est un sujet favori de Khaz, en particulier sa structure non continue, si évidente et pourtant si toujours discutée.

    A lire et relire.... Toutes mes meilleures pensées à toutes 

     

      • Dimanche 10 Septembre 2023 à 16:07

        Et Baudelaire, chanté par Chelon...

    4
    Danielle
    Dimanche 10 Septembre 2023 à 22:04

    Merci à Niudra d'avoir mis l'intégralité du magnifique poème de Lamartine, j'adore cet auteur et je m'aperçois avec un certain étonnement que je me souviens encore de chaque vers de cette poésie apprise au lycée. Cette édition dont parle Khaz date de 1937, je la possède également et j'y tiens beaucoup. Alphonse de Lamartine et Victor Hugo ont émerveillé mon adolescence et cette admiration persiste encore, nous n'avions pas la télévision ni la radio à la maison et je me plongeais dans les livres avec passion. D'ailleurs, je collectionne les recueils très anciens depuis des dizaines d'années et je les regarde souvent avec respect et tendresse.

    Je trouve ce dessin des bambous absolument adorable ainsi que la poésie qui l'accompagne. Bonne semaine à tous. Danielle

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