• l'étrange histoire de Jeanjean, d'une fourchette et d'une grotte

    J'ai pensé à ce conte après la visite de la grotte de Chorange, dans le Vercors.

    l'étrange histoire de Jeanjean, d'une fourchette et d'une grotte

     Pauvre Jeanjean 

    Il était une fois un seigneur qui avait un bien joli château construit en haut d’une grande colline, dont les terres étaient  les plus vastes et les plus fertiles du pays, et qui ne cessait de les parcourir pour s’assurer que tout marchait pour le mieux.

     - Conte**1 -  Pauvre Jeanjean - 

    Il possédait de nombreux chevaux, et les plus beaux qu’on puisse imaginer. Sa femme le suivait partout dans ses déplacements.  

    Ils eurent un fils aussi beau et gentil qu’eux étaient riches. Il fut appelé Jean, mais très vite l’habitude fut prise de l’appeler Jeanjean.  

     - Conte**1 -  Pauvre Jeanjean - 

    Jeanjean aurait voulu ne jamais quitter ses parents, mais ils étaient bien trop souvent partis ici où là pour pouvoir s’occuper de lui, alors lui restait avec sa nourrice et, inconsolable, il pleurait chaque fois qu’il les voyait partir tous les deux dans leur beau carrosse tiré par quatre chevaux. 

    Son père avait beau lui expliquer qu’il était encore trop petit pour les suivre, il demeurait inconsolable. Pour lui tenir compagnie, on lui donna un adorable petit cheval tout blanc, avec une unique tache noire sur le haut de la tête. Mais en vain. 

    Un jour, alors que ses parents allaient une nouvelle fois s’en aller pour plusieurs jours, Jeanjean paru si désespéré que son père lui donna un objet de grande valeur : une fourchette à trois dents, en lui disant qu’il suffisait de dire : 

    « Pique pique, et pique donc ! »  

    pour qu’elle fasse des merveilles. 

    Jeanjean pris la fourchette, mais l’instant d’après, voyant à nouveau le carrosse repartir et dévaler le chemin en lacet, éloignant  de lui une fois de plus son père et sa mère, il ne put se retenir et, échappant à la vigilance de sa nourrice, il se mit à courir pour le rattraper.  

    Mais cela était bien impossible. Après de nombreuses chutes, il s’effondra, ayant perdu son souffle, et resta là, dans la grande herbe d’un talus, à demi inconscient.  

    Il avait à peine commencé à reprendre ses esprits qu’il se sentit soudain soulevé dans les airs par une force incompréhensible,  passant au dessus de la cime  des arbres, puis au dessus des eaux brillantes d’un lac. Un aigle d’une taille impressionnante l’avait saisi dans ses serres, avec l’intention de rejoindre son aire, construite sur le haut d’une falaise, pour nourrir ses petits. 

     - Conte**1 -  Pauvre Jeanjean - 

    Tout tournoyait autour de Jeanjean, mais il tenait toujours sa fourchette .  Alors soudain, sans réfléchir, il dit : 

     « Pique pique, mais pique donc ! »  

    et planta à plusieurs reprises la fourchette dans les pattes de l’aigle. C’en était trop pour l’oiseau, qui desserra ses serres, et le pauvre Jeanjean , comme un boulet de canon tombant du ciel, fit un immense gerbe d'eau  qui mêla un instant l’eau du lac à la lumière du soleil !  

    Hélas, pauvre Jeanjean, non seulement il ne savait pas nager, mais un énorme brochet, attiré par le « plouf »,  arriva et, ouvrant toute grande sa gueule,  l’avala d’un seul coup,

     - Conte**1 -  Pauvre Jeanjean - 

    et voici notre Jeanjean  tout entouré par l’estomac du poisson.  

    Sans hésiter, Jeanjean, qui tenait toujours la fourchette, s’écria :  

    « Pique pique,  mais pique donc ! »  

    tout en la plantant tout autour de lui.

    Cette fois le brochet trouva sa prise un peu trop difficile à digérer, et comme il s’était approché des herbiers sur les rives du lac, il recracha prestement Jeanjean sur la berge. 

    Cette fois ce pauvre Jeanjean n’en pouvait vraiment plus, et il s’endormit profondément.

    Qu’allait-il devenir cette fois ci ?  Allait-il être dévoré par un ours ?  

    Mais non, car le fils d’un autre riche seigneur, qu'on emmenait en promenade ce jour là le long du lac, l’aperçut dans les roseaux. Or les deux garçons, qui avaient le même âge,  devinrent très vite inséparables. Cet autre garçon s‘appelait Benjamin. 

    Benjamin implora son père de ne jamais éloigner Jeanjean de lui.  Cela ne plaisait guère à son père, mais il avait tellement l’habitude de tout céder à son fils qu’il promit de ne jamais les séparer. Ils mangeaient ensemble, jouaient ensemble, dormaient dans la même chambre. 

    Or un jour Benjamin vit briller la fourchette dans les vêtements de Jeanjean. Il voulu s’en saisir pour savoir ce que c’était, et Jeanjean, comme par une sorte de réflexe, chercha à la retenir de toutes ses forces. Puis se ravisant il laissa Benjamin la prendre.  Mais alors Benjamin, déséquilibré, tomba en arrière et se blessa si gravement avec la fourchette qu’il en mourut sur le coup. 

    Imaginez la douleur, le désespoir et la colère de ses parents. Et puisque le père avait promis de ne jamais séparer Jeanjean de son fils, il décida que Jeanjean serait enfermé vivant, lui et sa maudite fourchette, dans le caveau,  près du cercueil de Benjamin. Ce qui fut fait : ils furent tous les deux placés dans une grotte creusée dans un rocher, et cette grotte fut scellée avec soin.

    Voici notre pauvre Jeanjean dans le noir absolu, et dans le plus grand silence, à l’exception du bruit de quelques gouttes d’eau tombant du plafond de la grotte. 

    l'étrange histoire de Jeanjean, d'une fourchette et d'une grotte 

    Le sol de cette grotte était si encombré de pierres que Jeanjean ne pouvait même pas se tenir debout. Il était tellement épuisé par les émotions, et d’avoir tant pleuré, qu’il restait restait pelotonné contre le cercueil de son ami, incapable de la moindre réflexion. 

    Mais à un moment, il sentit quelque chose de très doux lui caresser le visage. De très doux et de chaud. Il s'en saisit aussitôt d’une main et de l’autre, dans laquelle on lui avait placé sa maudite fourchette, il piqua cette chose inconnue en criant :  

    « Pique pique, mais pique donc ! »  

    La chose bondit et l’entraina avec elle dans une course folle, et le pauvre Jeanjean, rebondissant sur les pierres, fut trainé sur le sol, et lui toujours piquant de sa fourchette ….

    Il fut trainé dans une sorte de boyau très étroit.

    Puis soudain il se retrouva  en pleine lumière et au grand air , et découvrit qu’il tenait la queue d’un renard, qu’il lâcha enfin : le renard fit un terrible bond et disparut dans la végétation. 

     - Conte**1 -  Pauvre Jeanjean - 

    Au dessus de lui se balançaient les branches d’un pin, sous lui un épais tapis de mousse. Il n’en fallait pas plus pour qu’il ne tombe, cette fois, dans un profond sommeil. 

    Il dormait encore comme une souche lorsque une petite troupe de voleurs passa par là, le découvrirent et l’emportèrent avec eux. Si bien que, lorsqu’il se réveilla, totalement désorienté et dans un lieu inconnu, il se trouva tout près d’un feu de branches, mais entouré de tous ces hommes aux allures  peu rassurantes.

     - Conte**1 -  Pauvre Jeanjean - 

    Jeanjean étant de petite taille, cela avait donné une idée aux voleurs. Ils projetaient de dérober un vrai trésor dans un château : les fers en or que portaient tout un groupe de chevaux de grande race. Mais pour cela il fallait pénétrer dans ce château en descendant par une cheminée. Aucun des voleurs n’auraient pu passer, mais Jeanjean si .

    Ils menacèrent de le jeter dans le lac s’il n’acceptait pas de faire tout ce qu’ils voulaient.  Encore dans le lac ! pensa Jeanjean.... ah non !

    Jeanjean fut donc bien obligé d’accepter, et ils l’emmenèrent aussitôt sur un toit, et vers cette cheminée dans laquelle il se glissa sans difficulté. 

    Arrivé dans l’écurie, il devait déferrer chacun des chevaux. Ce fut facile grâce à sa fourchette (qu’heureusement les voleurs n’avaient pas trouvée). Il mit les fers dans un sac que les voleurs lui avaient donné et qu’il devait leur ramener en l’accrochant à une corde descendue aussi dans la cheminée.

    Il ne restait plus qu’un dernier cheval à déferrer.…  Or ce cheval  était petit et blanc.

    Quand il se retourna vers Jeanjean …  ils se reconnurent ! C’était son cheval.

    Il était en train de voler ses propres parents !

     - Conte**1 -  Pauvre Jeanjean - 

    Le cheval le regarda avec un air de reproche, et Jeanjean poussa un cri, ce qui réveilla des gardiens qui se jetèrent sur lui et l’emportèrent aussitôt  dans la chambre du Seigneur des lieux, tout en haut d’une tour, lui et le sac plein de fers en or. 

    Pauvre Jeanjean ! Il était si noir de  suie et si plein de boue que son père ne le reconnut pas. Le Seigneur, furieux, ordonna à ses gardiens de mettre ce petit voleur dans un sac et d’aller le jeter dans le lac ! 

    Ah non, encore dans le lac !!!!!  Se dit Jeanjean qui se souvenait du brochet ! 

    Mais lui, il avait reconnu les lieux et son père, et se jetant à ses pieds, il lui montra la fourchette, lui expliqua qu’il était déjà tombé dans le lac , et tout ce qui lui était arrivé ! 

    Ouf !  

    Les voleurs, qui attendaient le sac, furent surpris, et tous capturés. 

    Et bien, vous savez quoi ?  

    à partir de ce jour, chaque fois que les parents de Jeanjean quittèrent le château, ils l’emmenèrent avec eux. 

     

    Heureux Jeanjean ! 

    ***

     


  • Commentaires

    1
    Danielle
    Lundi 24 Juin à 16:14

    La visite de cette grotte du Vercors t'a bien inspiré ! En effet j'aime beaucoup ce conte à la conclusion heureuse : la famille réunie et surtout Jeanjean fera désormais partie de ces voyages trop fréquents des parents dont l'absence le faisait beaucoup souffrir. C'est la fin de la solitude et des larmes pour le petit garçon, la richesse ne comble pas la souffrance. Vive la fourchette à trois dents aux pouvoirs merveilleux.

    Khaz adorait les contes, durant quelques années il allait lire et raconter des histoires publiquement en partageant sa sensibilité et ses émotions avec des enfants et des adultes conquis. Cette passion l'a accompagné jusqu'à la fin. Et bien entendu, il les illustrait superbement. Merci Khaz pour ce que tu nous a apporté, et merci à toi Dominique pour nous faire partager ces bons moments. Bonne semaine, chez nous très chaude. 

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    2
    niudra
    Lundi 24 Juin à 18:21

    Quel conte, il me rappelle quand j'ai perdu ma maman, mais je n'avais de fourchette et depuis je suis comme figé dans la glace, j'attends mon renard ou même une renarde. 

    Merci à Dominique pour nous donner de tels bons souvenirs.   

    3
    Mercredi 26 Juin à 14:54

    merci pour ce conte.

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